vendredi 22 octobre 2010

Jeu de cartes canadiennes - A Wicked Game


NDLA: Récemment une bagarre d'estrade a remis en question, une fois de plus, la co-existence de deux solitudes dans un même pays. Voici l'extrait de l'article de Charles-Antoine Gagnon paru dans le journal
24 heures, le 22 octobre 2010: « La bagarre qui a éclaté dans les gradins lors de la partie de football opposant les Cougars de Saint-Léonard aux Hurricanes de Hamilton, le week-end dernier à Hamilton serait un autre cas de «Québec bashing». C'est du moins l'avis du père d'un des joueurs des Cougars qui était présent et qui dénonce les commentaires lancés à l'égard des joueurs et partisans francophones. « Quand on va dans les villes ontariennes, c'est toujours la même chose, les gars se font crier des noms, a expliqué Gaétan Métivier à LCN. On est quand même une équipe compétitive, et souvent, on a gagné le championnat. C'est peut-être pour ça. (...) Mais on voit que c'est vraiment eux autres qui les ont enguirlandés durant tout le match». M. Métivier mentionne que les commentaires faisaient référence à leur origine québécoise. Selon lui, les partisans anglophones ont fait des critiques désobligeantes pendant tout le match de trois heures». - Voilà près de 20 ans que le texte que vous allez lire a été écrit et a été publié dans une revue puis dans une série d'essais. Pour la suite de l'histoire… t. 2: Québec et Canada. Ce fait divers rappelle que les deux historicités canadienne et québécoise n'ont pas évolué depuis ce temps, malgré un lovin-in canadien à Montréal, un référendum québécois perdu et quinze ans de zigonnages politiques avec volonté de refouler le fait que les Québécois étaient probablement le seul peuple au monde à être régis par une Constitution à laquelle ils n'ont pas volontairement adhéré, ce qui est sans doute l'une des particularités les plus curieuses - certains qualifieraient des plus «honteuses» - de la démocratie actuelle. Peut-être que certaines des raisons qui expliquent cet état politique particulier se retrouve dans ce texte?

JEU DE CARTES CANADIENNES - A WICKED GAME
Monnaie de carte sous le Régime français


Préambule
Soyons bref, le syllogisme que je vous propose reposera d’abord sur une définition, énoncera ensuite une hypothèse et s’appuiera enfin sur une démonstration érudite. La définition, c’est celle que le politicologue Raymond Aron donne de la conscience historique, «je veux dire une idée de ce que signifient pour elle humanité, civilisation, nation, le passé et l’avenir, les changements auxquels sont soumises à travers le temps les œuvres et les cités.»1 Cette «idée» est ce que nous appelons depuis «une représentation sociale» et, dans la mesure où nous reconnaissons que nous formons un peuple, une collectivité, une nation canadienne, cette représentation est bien une, partagée entre tous et véhiculée essentiellement par le discours tenu par l’État national canadien. L’hypothèse énoncera alors qu’un même peuple ne peut partager une même solidarité lorsqu’il se divise en deux idées, deux représentations sociales de son Être dans l’espace et dans le temps; qu’il y a donc deux consciences historiques selon deux représentations sociales, empreintes tangibles, aussi tangibles que peuvent l’être deux empreintes digitales différentes. Nous ne sommes même plus en présence de ces soi-disant «sociétés distinctes» dans une même nation, mais bien face à deux identités collectives étrangères et irréductibles l’une à l’autre. En s’opposant, elles structurent deux historicités, ce qui est plus qu’une simple divergence interne. Ces deux historicités sont autant d’«obscures certitudes des hommes qu’ils ne font qu’un»; que les «solidarités liées à l’existence implicite – que chacun éprouve en soi – d’une certaine fonction commune à tous s’accomplissent sur deux modes de reconnaissance collective entièrement séparés et parfois disposés de manière purement antagonique.»2 Enfin, la démonstration érudite de cette hypothèse portera sur un document diffusé par le gouvernement du Canada à travers l’organisme «SOCIÉTÉ CANADA 125» en vue de célébrer le cent vingt-cinquième anniversaire de la Confédération canadienne. Ce document est le bulletin officiel, bilingue, de juillet 1992 (vol. 1, n° 3) distribué par courrier au cours de la première semaine de juillet 1992. Plus particulièrement, il s’agit de deux cartes géo--historiques du Canada, l’une en langue anglaise : The Map of Canadian Legends, l’autre en langue française : Ton histoire est une épopée. La carte anglaise porte le logo du magazine Maclean’s, la française ne possède aucune indication permettant d’identifier le concepteur. Les deux cartes sont associées à une publicité de Chrysler Canada. Le dessin cartographique est bien le même, seuls les légendes et les traits indicatifs peuvent varier d’une carte à l’autre. Ces légendes et ces traits seront notre matériel relevant des empreintes de nos deux historicités sur lesquelles entend s’édifier une vision fonctionnelle du Canada. L’étude comparée de ces deux séries de «légendes» nous permettra non seulement de nous amuser à distinguer et à opposer des variations d’interprétations d’une même histoire – un jeu de cartes canadiennes –, mais bien plus, de confronter deux réalités subjectives nationales en autant de consciences historiques – a wicked game. Nous relèverons les différences d’organisation représentatives en fonction des trois structures de la conscience historique: l’imaginaire (l’historicité, la logique de l’histoire, l’articulation causale des faits), le symbolique (la signification, le sens de l’histoire, les affects contenus dans la lecture des faits), l’idéologique (la moralisation, la morale de l’histoire, les jugements de valeurs associés aux faits).




Titre et anti-titre
Canada, Ton histoire est une épopée: le genre littéraire épique est associé à l’expérience vécue, il opère une certaine déréalisation de ce vécu au nom d’une évocation édifiante (comme si l’histoire de la Grèce ancienne s’identifiait à la seule Illiade ou l’histoire romaine à L’Énéïde). La phrase est bien sûr tirée de l’hymne national du Canada par Basile Routhier. Elle contient une charge affective positive et suggère l’entreprise-en-construction qu’est le Canada, toujours à réaliser en fonction de cette épopée. Le Canada n’est pas un pays, c’est un idéal projeté dans les temps futurs et auquel nous sommes liés par le passé accompli en commun.

The Map of Canadian Legends: l’aspect pragmatique ressort ici du titre. Il n’est plus question de genre littéraire épique ni d’un idéal projeté dans l’avenir. Il ne s’agit que d’une carte. La charge affective porte sur le mot «Legends» qui peut être lu comme la simple illustration de la cartographie, ou encore comme des «légendes» de l’histoire canadienne. Ici aussi nous pouvons associer un aspect de déréalisation dans la façon de présenter l’histoire canadienne d’après une suite de «légendes» remarquables sans pour autant les associer à une entreprise épique. On peut aussi bien supposer que les «légendes» sont des contes collectifs et héroïques du temps passé. Là où le titre français évoquait une aspiration à la fierté collective, le titre anglais suggère à peine un merveilleux légendaire de figures héroïques.

Des explorateurs à l’hôpital
Concernant Terre-Neuve et le Labrador, nos deux cartes portent chacune deux légendes. «Labrador: de 1200 à 1500, la côte est fréquentée par des marins islandais et des pécheurs bretons et basques», ce que ne mentionne pas la légende correspondante sur la carte anglaise: «Dr Wilfred Grenfell established the first hospital in Labrador in 1893». Les deux événements sont donc ici totalement différents et disproportionnés par leurs impacts respectifs dans l’ensemble de l’histoire terreneuvienne et de l’histoire canadienne. D’une part, on éveille l’importance des pré-explorations vikings et françaises du Labrador pour les Canadiens français, ce que l’on passe sous silence pour les Canadiens anglais et d’autre part, on mentionne l’établissement d’un hôpital par un médecin-évangéliste venu d’Angleterre et mort aux États-Unis. De plus, le texte anglais manque de discernement. Le docteur Grenfell est bien arrivé en 1892, mais son premier hôpital – celui de 1893 – est un vapeur fourni par la Mission qui l’envoie et qu’il transforme en navire-hôpital pour desservir les pêcheurs de Terre-Neuve et des côtes du Labrador. Il établira son quartier-général à St. Anthony, à l’extrême pointe nord de l’île. Grenfell fondera plus tard d’autres hôpitaux, des écoles, des orphelinats et une fondation relayée depuis par l’État provincial.3 La «légende» a pour but ici de laisser sous-entendre que ce sont bien les Anglais qui ont «civilisé» Terre-Neuve et développé le Labrador, ce qui justifie pleinement les revendications et l’obtention par Terre-Neuve – alors puissance étrangère en 1927 – des 112 630 milles carrés du Labrador. C’est le premier jalon de la différence essentielle des deux cartes – et des deux historicités – canadiennes: pour les Canadiens français, ce sont les premiers venus, les explorateurs, qui fondent un droit de préséance historique; pour les Canadiens anglais, ceux qui se sont établis définitivement doivent décider de l’avenir du Canada.

L’autre légende, commune celle-ci aux deux cartes, concerne le référendum de Terre-Neuve en 1949: «St John’s, Le 31 mars 1949, après un premier refus, les Terre-Neuviens votent pour l’annexion au Canada» – «After a narrowly won referendum, Joey Smallwood leads Newfoundland into Confederation on March 31, 1949.» La même histoire suit ici deux logiques distinctes. Dans le texte français, on souligne l’énumération des deux référendums, on ignore le rôle de Joey Smallwood (considéré pourtant comme le dernier Père de la Confédération!) et on utilise le terme annexion pour désigner la réunion volontaire de la province au reste du pays. Dans le texte anglais, on rappelle que la marge avec laquelle le référendum fut remporté par le parti de Smallwood était étroite (narrowly) (52.3% des votes pour, 47.7% contre), et que c’est bien M. Smallwood qui «a conduit» Terre-Neuve dans (into) la Confédération. Le terme français «annexion» aurait pour n’importe quel Terre-Neuvien une certaine consonance de «conquête impériale», ce qui est peut-être bon pour le Québec, mais ne convient pas du tout à la décision de 1949! Mais le message porte très bien pour le lecteur français. Se rallier au Canada, c’est se faire «annexer» par le Canada. Pour le lecteur anglais, c’est par un mouvement autonome qu’on s’associe (le terme Canada est ici remplacé par celui de Confédération) à une constitution nationale. C’est le chef qui conduit (leads) sa province et la décision référendaire est emportée de justesse (et non seulement par un effort répété de convictions et de consultations). Pourtant, les Canadiens français ont-ils déjà pensé que l’entrée dans la Confédération puisse se faire autrement pour que l’on croie bon de leur suggérer que la Confédération est une «annexion»? Bref, nous n’entrons pas tous de la même manière dans la Confédération canadienne selon qu’on lit l’une ou l’autre des deux cartes.

Les nazis jouent au «golf» dans le Saint-Laurent
La «légende» anglaise nous dit: «During the Second World War, 23 Allied ships are sunk in the St-Lawrence River and Golf of St Lawrence», tandis que le texte français déclare tout simplement: «Golfe Saint-Laurent, 23 navires canadiens et alliés y sont coulés par la marine allemande durant la Deuxième Guerre mondiale». Un trait indicatif unit le bloc de la légende française au large de Terre-Neuve (dans le détroit de Belle-Isle) alors que le trait indicatif unit le bloc de la légende anglaise au large de l’île d’Anticosti au Québec. Les bateaux n’auraient-ils donc pas été coulés au même endroit selon la carte anglaise ou la carte française? Tandis que la légende anglaise parle seulement des «Allied ships», la légende française insiste sur le fait que les navires étaient canadiens et alliés. Qui veut-on culpabiliser et de quoi? Pareillement, la légende anglaise précise que des navires ont été coulés dans le fleuve et non seulement dans le Golfe Saint-Laurent, alors que la légende anglaise ne mentionne que le Golfe Saint-Laurent. Un tel chassé-croisé ne suggère-t-il pas que les Canadiens français ont laissé entrer dans le Golfe Saint-Laurent des sous-marins nazis qui ont non seulement coulé des navires alliés, mais également des navires canadiens, ceux de leur propre pays? Une telle chasse aux Nazis a de quoi embrouiller n’importe quelle «guerre Nintendo»!

L’île du Prince au pignons verts
Les deux cartes identifient l’île-du-Prince-Edouard à la romancière Lucy Maud Montgomery. Le texte français est plus laconique: «Cavendish – L’écrivain Lucy Maud Montgomery crée en 1908 le personnage légendaire d’Anne aux pignons verts.» Le texte anglais est plus complet: «In 1908, Lucy Maud Montgomery publishes Anne of Green Gables, the first of eight novels about Anne Shirley, who becomes an internationally renowned literary character.» Le texte français est tellement syncopé qu’on pourrait penser que le nom de Shirley se traduit en français par «pignons verts»! Les deux cartes parlent pareillement de la conférence de septembre 1864 à Charlottetown où l’on amorce le processus de la Confédération. Dire la même chose évite de faire des traductions stupides.

Coquilles et petites montres
Plus problématique semble l’histoire de l’Acadie française et de la Nouvelle-Ecosse britannique. «Port-Royal (la carte anglaise préfère le nom d’Annapolis Royal avec le vieux nom français entre parenthèses) – Champlain crée une colonie en 1603. En 1755, les Britanniques déportent les 10 000 habitants acadiens et donnent leurs riches terres à des immigrants anglais.» Le texte anglais donne: «In 1605, Samuel de Champlain establishes the first permanent European settlement in what is now Canada. Beginning in 1755, British officials deport an estimated 10,000 Acadians from the region.» Passons sur la différence des dates due à une coquille dans la légende française (1605 est la bonne date), le texte français investit l’aspect répulsif de la déportation des Acadiens en soulignant, ce que ne mentionne pas le texte anglais, que leurs «riches terres» furent données à des immigrants anglais. Pour le texte canadien-anglais, on évite ici un quelconque sentiment d’usurpation de la part de la population néo-écossaise.

Une autre «légende» vise à faire partager aux Canadiens des deux langues le fait que la Nouvelle-Écosse nous a donné notre Magellan. Comme pour la légende d’Anne aux pignons verts, le texte français est assez laconique: «Yarmouth – En juillet 1895, Joshua Slocum entame sur un voilier de 12 mètres le premier voyage solo autour du monde. Il durera trois ans.» (comme la première circumnavigation de Magellan en 1519-1522). Le texte anglais est plus expansif: «On july 2, 1895, adventurer Joshua Slocum sets sail in a 36-foot boat – equipped only with a tin clock for a navigation device – on an epic three-year journey, the first solo voyage around the world.» Outre la résistance du texte anglais à la conversion au système métrique, le voyage de Slocum est qualifié ici d’«épique» et l’événement est présenté comme un exploit extraordinaire par le dénuement du voyageur face à l’immensité des éléments et à l’ampleur des dangers que comporte son entreprise. Il serait sans doute superflu de mentionner que Slocum s’était fait naturaliser américain; son périple partit de Boston pour arriver à Boston, Yarmouth n’étant qu’une étape de son trajet où il acheta la petite pendule en fer-blanc, le reste de son équipement, il se l’était procuré à Gloucester au Massachusetts.4

A l’opposé de Yarmouth, on trouve Baddeck sur l’île du Cap Breton. La carte française conserve le nom de la ville et le trait indicatif, mais la légende a été remplacée par celle concernant l’arrivée de Cartier à Gaspé, légende qu’on ne retrouvera pas dans la carte anglaise. Le texte anglais porte cette légende: «John McCurdy pilots the first flight in Canada aboard the Silver Dart on Feb. 23, 1909.» McCurdy faisait partie de l’équipe de savants et d’expérimentateurs qui entouraient le «châtelain de Baddeck», Alexander Graham Bell qui, du téléphone s’était reconverti en technicien des plus lourds que l’air. Seule coquille, le prénom de McCurdy n’était pas John mais Douglas!5

On ne pouvait mentionner Port-Royal sans mentionner Halifax. Le texte anglais comme le texte français mentionnent l’événement le plus fameux qui marqua la ville – une catastrophe – l’explosion de 1917. «On Dec. 6, 1917, the French munitions ship Mont Blanc explodes in Halifax Harbour, killing more than 1,600 people and injuring 9,000.» Le texte français reprend les mêmes mots traduits: seulement, il ne spécifie pas que le cargo de munitions Mont Blanc était français. Cela devait paraître par trop évident pour le lecteur français, évidence qui, semble-t-il, ne s’imposait pas dans l’esprit du lecteur anglais!Lien
Exit Nouveau Brunswick
«Qu’a-t-il bien pu venir de bon du Nouveau-Brunswick?» devait se demander le Nicodème chargé de l’adaptation française de la carte du Maclean’s, car rien, aucune légende, ne renvoie à cette province. Dans la carte anglaise, une seule légende (plaquée sur le territoire québécois!) donne ceci: «Traditionally the home of Micmac Indians, the area – after a surge of Loyalist immigration – is split off from Nova Scotia in 1784 and renamed New Brunswick.»

Terre-Québec
Dans la carte anglaise, quatre légendes sont accordées à l’histoire du Québec pour cinq dans la carte française. La géographie elle-même subit ici des variations. Tandis que la carte française indique Sherbrooke, Montréal, Trois-Rivières, Québec, Chicoutimi, Baie-Comeau, Sept-Iles, Rimouski et Gaspé, la carte anglaise ne mentionne que Montréal, Valcourt, Quebec City et Grosse-Île. Pourquoi Chicoutimi et Rimouski? On peut toujours penser au «p’tit gars de be-Comeau»6 et ex-député de Sept-Îles pour redorer la fierté québécoise d’avoir donné le Premier Ministre actuel du Canada, mais le Québec avait peu de chance d’y échapper puisque avec l’actuel chef de l’opposition aux Communes, nous aurions eu à la place Shawinigan. Mais cessons ces errances géographiques.

Dans la carte française, Sherbrooke sert à indiquer: «Valcourt – De 1937 à 1955, Joseph Armand Bombardier y développe l’autoneige, puis la motoneige.» Le lecteur anglais, sans doute meilleur géographe que son vis-à-vis français, n’a pas besoin de se faire dire que Valcourt est dans la région de Sherbrooke. Il voit directement sur la carte «Valcourt» et, suivant le trait indicatif, il peut lire: «In 1937, Joseph Armand Bombardier invents the snowmobile.» Avec le laconisme anglais, Bombardier n’invente qu’une «snowmobile» et non pas ce catalogue d’autoneiges, de motoneiges et de boules de neige.

La carte française seule mentionne Gaspé: «À la recherche d’une voie vers l’Asie, Jacques Cartier explore le golfe en 1534, reconnaît la Côte-Nord, Anticosti, les Îles-de-la-Madeleine, le cap Breton, l’île du Prince-Edouard puis le 24 juillet, à Gaspé, “découvre” officiellement le Canada». Cartier se serait sans doute foutu de savoir si sa «découverte» était officielle. On découvre ou on ne découvre pas, un point c’est tout… puis, on prend possession «officiellement» du territoire. Il s’agit plutôt ici de faire le deuil jamais définitif de la vision anglaise de la découverte du Canada, qui prendrait place le 14 juin 1497 lors de l’arrivée de Giovanni Caboto (John Cabot) à Terre-Neuve, en mission pour le roi d’Angleterre. L’impré-cision non -dissipée autour des voyages de Cabot au Canada l’empêche d’enlever le titre d’officialité au geste de Cartier. La carte anglaise résout la controverse en ne parlant ni de Cabot ni de Cartier! Peut-être les Canadiens anglais ont-il pu dépasser la fonction mythique de la découverte et pour eux, désormais, le Canada n’a-t-il plus besoin d’être «découvert»? L’«omission» du voyage de Cartier parmi les «légendes» anglaises, même en ne mentionnant pas la venue de Cabot, laisse plutôt penser le contraire.

Ce que la carte française dit de la ville de Québec se ramène à un résumé chronologique: «Québec, berceau du Canada [formule assez plate]. Champlain y fonde en 1608 le premier établissement permanent d’Amérique du Nord [la carte anglaise mentionnait cette primauté à Port-Royal en 1605; d’autre part, Jamestown, en Virginie, a été fondée en 1607!]. Les Jésuites y créent en 1634 le premier collège d’Amérique du Nord [l’Université Harvard est de 1636]. Ouverture du premier Parlement du pays en 1792 [le premier Parlement au pays (puisqu’il ne concernait que le Bas-Canada) mais non du pays tout entier, n’oublions pas quand même celui de York!]. Négociation de la Constitution canadienne en 1864». «Berceau», «premier établissement», «premier collège», «premier parlement»… souligner la première place dans un ordre de succession, telle est depuis longtemps la flatterie (idéologique) du narcissisme (symbolique) des Canadiens français.

«Nous les premiers au Canada, nous y avons toute notre place.» Premier dans l’ordre énumératif chronologique, nous ne le sommes plus dans l’ordre qualitatif du monde canadien, ce que se charge de rappeler la «légende» anglaise portant sur la ville de Québec: «On Sept. 13, 1759, British forces under James Wolfe defeat the French army under Marquis Louis-Joseph de Montcalm on the Plains of Abraham – the decisive battle for North America.» Voilà, malgré toutes les premières places, c’est ce qui est décisif qui détermine en dernière cause l’ordre du monde canadien. Dans une vision «think positive» de l’histoire, la blessure narcissique de la conquête de 1759-1760 est passée sous silence dans la légende française qui ne conserve qu’une énumération épique flatteuse, voire flagorneuse du passé de la ville de Québec. L’affection positive, érotique, con-solidaire du Québec et du Canada n’est pas partagée par la vision anglaise dont l’affection devient répulsive, dé-solidaire, où le Québec est renvoyé de son statut de pays conquis en province annexée (cf. le référendum de Terre-Neuve) par cette «bataille décisive de l’Amérique du Nord». Si le rappel douloureux de la Conquête dans l’inconscient historique québécois tend à ne plus être ce traumatisme historique, mais plutôt cette fixation obsessive de la régression québécoise (déplacement de la défaite humiliante et de la sévère répression des troubles de 1837-38 sur la défaite amère mais héroïque de 1759 et du doux gouvernement militaire d’Amherst jusqu’en 1763 comme le suggère Heinz Weinemann 7), le rappel haineux de la conquête sert toujours, et de mieux en mieux, dans l’inconscient collectif des Canadiens anglais qui y voient la source de toutes les justifications de mépriser les revendications québécoises. Le même mode de ségrégation au niveau de l’imaginaire, de l’historicité, survit de manière quasi intacte depuis plus de cent vingt-cinq ans.

Ce dédain associé au nom de Québec est accru par la «légende» anglaise concernant Grosse-Île qui ne paraît pas sur la carte française: «Beginning in 1832, the Island serves as a quarantine station where immigrants, mostly Irish, are examined – and thousands die of typhus or cholera.» Comme les sous-marins nazis pénétrant du golfe au fleuve Saint-Laurent, Grosse-Île, en face de Québec City, est l’entrée des corps étrangers et mortifères au Canada. Notre Ellis Island est une véritable passoire où viennent se parquer des milliers de malheureux chassés par la famine et la maladie et que l’incurie des autorités québécoises ne pourra filtrer, l’épidémie se diffusant et décimant la population canadienne. Vaincu, cocu et trou-de-cul, il y a quelque chose de pourri dans la province de Québec et l’histoire canadienne est là pour le rappeler aux lecteurs anglophones.

La carte française continue, elle, de baigner dans la victoire et le premier de classe. Si elle ne parle pas de la défaite de 1759, elle mentionne la seule victoire (et la première bataille) de la Rébellion de 1837: «Saint-Denis [qui n’est pas indiqué sur la carte, le trait indicatif se perdant entre Québec et Trois-Rivières; Saint-Denis est situé sur la rive droite du Richelieu] – Les patriotes se rebellent contre le régime militaire britannique et exigent un régime démocratique.» Le régime démo-cratique existait déjà si, comme l’indique la légende de la ville de Québec, le «premier parlement du pays» s’y trouve depuis 1792. C’est non pas un régime militaire que combattent les Patriotes de Saint-Denis, mais l’incomplétude d’un acte constitutionnel (celui de 1791), rendu inefficace et qui contredit la démarche démocratique que suppose la présence d’un parlement. Au-delà de la représentativité, c’est la responsabilité ministérielle que demandent les patriotes. Et bientôt, c’est par une déclaration solennelle d’Indépendance du Bas-Canada qu’ils manifesteront leur dissidence d’un régime qui les contraint à la servilité coloniale et les livre aux caprices d’un esta-blishment corrompu, mais cela, on ne le retrouve pas sur les cartes du Maclean’s.

Enfin, nous arrivons à Montréal. Le texte français est, en-core là, énumératif: «Découvert en 1535 par Cartier. Champlain défriche la Pointe-à-Callières en 1611. Maisonneuve fonde la ville en 1642. De 1701 à 1880, la ville sera le point de départ de l’exploration puis du développement de tout l’Ouest du Canada» Montréal, tête de pont de l’Ouest du Canada. Indispensable. La carte anglaise continue, pour sa part, le discours répulsif. Tandis que le typhus et le choléra entrent par Québec City, c’est le sauvage et le rebelle qui envahissent Montréal: «Founded in 1642 by Paul de Chomedey, Sieur de Maisonneuve, the colony soon finds itself in a virtual state of war with Iroquois nations. In 1775, at the start of the American Revolution, rebel troops march north up the Richelieu River and briefly occupy Montreal». De même que l’incurie de Québec laissait filtrer la maladie sur le reste du Canada, de même donc l’ineptie de Montréal laisse tantôt les Iroquois menacer le projet canadien, tantôt les rebelles américains prendre cette tête de pont indispensable vers l’Ouest canadien. Que de défaites et de troubles dans cette province où «l’histoire est une épopée!»

Enfin, la carte française porte une dernière «légende» pour «Montebello – Seigneurie de Louis-Joseph Papineau, leader des patriotes et de la Rébellion de 1837-1841 pour obtenir un gouvernement démocratique.» Il n’y a rien à rajouter à ce qui a été dit à propos de la bataille de Saint-Denis sinon que l’extension jusqu’en 1841 des rébellions de 1837-1838 laisse sous-entendre un état perpétuel de guerres civiles durant les cinq années mentionnées alors que les combats et affrontements militaires se situent en décembre 1837 et en novembre 1838 seulement.
Les Ontarios
Huit légendes pour la carte anglaise et neuf pour la carte française mentionnent des points de l’histoire ontarienne. Ce qui est autrement indicatif de la différence entre les deux historicités ici, c’est que les faits relevés pour la carte française présentent cinq événements impliquant les Français (sans oublier que la légende concernant Montebello et Louis-Joseph Papineau est sur le territoire ontarien), alors que dans la carte anglaise aucune légende ne rapporte d’interventions françaises en terre ontarienne. Il y a donc bien deux histoires différentes pour un même territoire. Commençons par la carte française.

«Midland parc historique. Cœur de l’ancien pays huron. De 1617 à 1647, les Jésuites y créent une douzaine de missions. De 1647 à 1650, les Cinq-Nations iroquoises procèdent au génocide de 30 000 Hurons». Ici, le mot-clé, bien sûr, c’est «génocide». Mot à la mode et chargé de la pire répulsion. Question turco-arménienne, germano-juive, cambodgienne, etc., le génocide est une action de destruction planifiée par les gens d’une collectivité pour en exterminer une autre en se basant sur des critères d’appartenance raciale ou ethnique. Inutile de dire qu’il n’y a rien d’un «génocide» dans les guerres qui opposent Hurons et Iroquois. Selon l’éminent spécialiste Bruce Trigger,8 la guerre qui opposait Hurons et Iroquois relève de la concurrence commerciale sur un territoire de ressources en fourrures en train de se vider par l’affluence des demandes des marchés français, hollandais et anglais. La démoralisation des Hurons, accélérée par l’insertion de missions jésuites, provient de l’éclatement de la confédération huronne, de la conversion au catholicisme d’une partie de la population contre une autre qui défendait la tradition ancestrale et de la diffusion involontaire d’épidémies et de famines au sein des tribus. Il faut cesser d’utiliser à tort et à travers le mot «génocide» sous peine de sombrer soi-même dans «la propagande haineuse».

Une légende raconte la découverte du lac Supérieur en 1616 par Étienne Brûlé. Une autre raconte l’invention du téléphone par Bell en 1876 à Brantford, légende qui se retrouve telle quelle dans le texte anglais. Autre légende commune, celle concernant Thunder Bay qui énumère l’ancien poste de traite des fourrures, l’un des plus grands ports céréaliers du monde et l’abandon du marathon entrepris par Terry Fox dans sa lutte contre le cancer. Il y en a ici pour tous les goûts.

Plus particulière est cette légende indiquant que «le traité de Paris de 1783 fixe la frontière canado-américaine au milieu des Grands Lacs. En 1818, elle sera prolongée vers l’ouest sur le 49e parallèle» Il en va ainsi de cette autre: «Toronto. Champlain explore la région en 1615-1616 et y passe l’hiver. Le petit établissement britannique de York sera brûlé et pillé en 1813 par les troupes américaines. Avec l’extension du Canada jusqu’au Pacifique, Toronto devient la métropole économique du Canada.» Il est loin le temps où l’on célébrait Montréal comme métropole du Canada, mais ça ne remonte pas aussi loin qu’au temps où la frontière canadienne s’est prolongée jusqu’à l’océan Pacifique!

La légende concernant Kingston énumère du même souffle «Ancien Fort Frontenac (1673). Devenu bastion loyaliste. Lieu de naissance de John A., Macdonald, premier premier ministre fédéral.» Encore la flatterie des premiers: le premier Premier ministre canadien est né sur le site d’un ancien fort français! Telle est la coopération des deux peuples fondateurs.

La carte anglaise parle d’abord de la capitale fédérale, Ottawa, dont aucune légende marque le site sur la carte française, qui lui préfère Montebello afin de parler de la région de Hull-Gatineau. La légende anglaise est plutôt laconique pour la capitale du pays: «After the passage of the British North America act in 1867, Ottawa – a remote timber center one known as Bytown – becomes the capital of the new country.»9 Comme dans la carte française, on retrouve le passage de Terry Fox à Thunder Bay et le téléphone de Graham Bell. À Kingston, curieusement, le fort Frontenac est disparu, mais Sir John A. demeure: «An old Loyalist stronghold the town gives Canada its first prime minister, Sir John A. Macdonald.» John A. Macdonald devient ici un vrai Ontarien, c’est-à-dire un vrai canadien. Il représente le pur héritage loyaliste, ces dissidents de la Révolution américaine.

Toronto, jadis York, devient autre chose qu’une ville pillée et brûlée: «After a brief battle on April 27, 1813, American forces loot houses and churches and burn the governor’s house and the provincial parliament building» [la version anglaise, en identifiant les édifices saccagés et pillés, amoindrit l’aspect destructeur de l’événement. La version française donne à penser que c’est toute la ville de York qui a été soumise à la vindicte des Américains]. «In 1837, William Lyon Mackenzie leads rebels down Yonge Street in a failed attempt to seize control of government.» On ne retrouve pas l’objet démocratique des revendications tel que le donnait l’information de la carte française à propos de la victoire de Saint-Denis ou de l’action de Louis-Joseph Papineau. Lieu commun de la conscience historique canadienne-anglaise ou insignifiance (ce qui serait douteux) de la rébellion de 1837? Faut-il rappeler (sûrement pas en tout cas pour les concepteurs de la carte Maclean’s) que la Rébellion du Bas-Canada aboutit à l’exécution de 12 «Patriotes» et celle du Haut-Canada à l’exécution de 29 «Rebelles»?10

Les autres événements mentionnés suggèrent des pages de gloire de l’histoire ontarienne. À Queenston: «American forces kill military commander Sir Isaac Brock at the battle of Queenston Heights on Oct.13, 1812. The next year, Laura Secord, walks 30 km to warn British lieut. James FitzGibbon of an impending American attack». Sir Isaac Brock et Laura Secord, c’est Dollard des Ormeaux et Madeleine de Verchères! L’utilisation du kilomètre semble réconcilier (mais ce n’est que passager) les mesures anglaises avec le système métrique français. Ailleurs encore: «Shawnee war chief Tecumseh, who allied with British and Canadian forces during the war of 1812, dies in battle on Oct. 5, 1813.» Là où les Français semblent toujours en guerre contre les Amérindiens, les Anglais s’en font des alliés sûrs. Comme on ne parle pas de Garakonthié baptisé par Mgr de Laval, on rappelle l’alliance et la mort de Tecumseh avec les Anglo-Canadiens. Là où on rappelle que Montréal était «in a virtual state of war with Iroquois», on passe sous silence la révolte de Pontiac en 1763: Le chef indien, allié des Britanniques après la dernière guerre anglo-française, s’était senti berné par les promesses anglaises et s’était bien chargé de le leur faire savoir! Relations franco-amérindiennes = relations haineuses; relations anglo-amérindiennes = relations de coopération.

Ce double-standard/double bind apparaît encore lorsqu’une «légende» anglaise indiquant la ville de Chatham rappelle: «The town is a terminus for many of the southern black slaves who reach Ontario via the underground Railroad. From 1812 to 1860, an estimated 50,000 blacks, both slave and free, come to Canada.» Voilà un geste héroïque qui aurait mérité qu’on en informe aussi le lecteur canadien-français.
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Comment déplorer la mutuelle ignorance des «deux solitudes» quand de tels événements chargés de sens attractifs et positifs sont maintenus sous silence? À moins d’avoir l’esprit étroit et de considérer que pendant que les Ontariens accueillaient les esclaves noirs des États-Unis en quête de liberté et de dignité, les Québécois recevaient les sous-marins allemands nazis dans le golfe et le fleuve Saint-Laurent venus couler les navires canadiens et alliés? Qui sait comment l’historicité peut ordonner ses images?…
Une dernière «légende» ontarienne se retrouve dans les deux cartes. Dans la française, il est écrit: «Elliot Lake – Les géologues Franc Joubin et Joseph Hirshhorn y découvrent en 1953 les plus grands gisements d’uranium du pays.» L’anglaise porte: «The isolated community is founded after geologist Franc Joubin and Joseph Hirshhorn – a controversial Latvian-born financier once arrested for currency speculation – discover Canada’s richest uranium deposits in 1953.» Dans son article sur les mines de l’ère atomique, C. Curtis ne parle ni de Joubin ni de l’apprenti sorcier Hirshhorn. De l’énorme gisement à faible teneur 11 de la région Blind River – Elliot Lake, il convient qu’en 1957-1958, il est devenu «le plus important centre d’extraction», mais son texte porte essentiellement sur les explorations pionnières de Gilbert La Bine dans les Territoires du Nord-Ouest au cours des années 1930-1950. Sa compagnie, l’Eldorado Golf Mines Ltd, apparaît beaucoup plus importante dans ce genre d’entreprises que l’heureuse entreprise de Joubin et Hirshhorn.

Le Manitoba ne répond plus
Les Canadiens anglais semblent devoir retenir deux choses de l’histoire manitobaine. Les Canadiens français liront une légende unique énumérant ceci: «Winnipeg – Atteint par Pierre Gaultier de La Vérendrye en 1731. Fondée par les Métis. Leur leader Louis Riel s’y rebelle en 1869 contre les exactions du gouvernement fédéral. Originellement française, le français y sera banni et rapidement réduit.» Il semblerait que l’adapteur francophone ait voulu rappeler le déplacement ultime du sentiment de défaite de la conquête et de l’échec des Rébellions du Québec à l’Ouest canadien. C’est effectivement, dans une vision purement canadienne de l’histoire, dans l’Ouest qu’a eu lieu la véritable réduction du rayonnement des Canadiens-français dans leur «rêve d’empire». Voici La Vérendrye, le premier avant tout le monde (occidental); voici les « Bois-brûlés», et les «Sang-Mêlés» y établissent leur poste de traite, puis les voilà rassemblés autour de leur leader Riel. On ne parle pas de la prochaine «annexion» de l’Ouest par le Canada qui a acheté le territoire à la Compagnie de la Baie d’Hudson, du gouvernement provisoire de Riel ou de la tragique affaire Scott, si décisive. Rien, sinon la défaite du fait français dont le glas est véritablement sonné, au Manitoba, avec la triste loi des Écoles de 1890 et le mauvais compromis Laurier-Greenway de 1896.

Les Anglophones voient les choses d’un tout autre œil: «In 1869, Louis Riel leads a Metis rebellion against Canadian expansion and establishes a provisional government. The next year, he orders the court martial of a Canadian loyalist, Thomas Scott, who is convicted of treason and shot.» Toutes ces précisions qui manquent dans la légende française se retrouvent dans la «légende anglaise». Pourquoi? Sans doute, l’épopée de l’historicité canadienne-française a-t-elle encore besoin des La Vérendrye, des Métis et de Riel. Pour l’historicité canadienne-anglaise, le «loyaliste» Scott est inconsciemment lié à ces Loyalistes qui ont fondé le Nouveau-Brunswick et l’Ontario, après avoir été chassés des États-Unis, et qui ont donné au Canada Sir John A. Scott était bien un Ontarien orangiste, protestant enragé, si enragé qu’il n’était pas un homme populaire, même parmi les Canadiens de la Rivière Rouge.12 Pour Riel, en tant que chef du gouvernement provisoire, la condamnation et l’exécution de Scott relevaient de la légitimité d’un gouvernement libre et autonome, à défaut de pouvoir se rabattre sur une légalité non encore définie. «Nous devons faire en sorte que le Canada nous respecte»13 aurait dit Riel. Pour les Ontariens et l’ensemble des Canadiens anglais, le Canada ayant acheté le territoire, Riel et les Métis passaient sous la loi canadienne et Scott devenait victime d’un assassinat terroriste. Le procès et l’exécution de Riel, par contre, pour être d’une légalité parfaite, demeurent, et pour toujours, d’une légitimité douteuse!

L’autre «légende» anglaise du Manitoba concerne le droit de vote des femmes: «Manitoba is the first province to grant women the vote, in 1916.» C’est tout de même encore très loin de l’État américain du Wyoming, son voisin de l’Ouest, qui le premier de l’Union l’attribua aux femmes en 1869.

Ça-se-cache-o-one!
Trois légendes traitent de la Saskatchewan, tant dans la carte anglaise que dans la carte française. On retrouve dans la carte anglaise la légende déjà vue dans la carte française, sur les rives du Lac Ontario et qui traitait de la détermination de la frontière canado-américaine. Les deux autres «légendes» poursui-vent l’histoire de Riel. À Batoche d’abord: «In May, 1885, Maj. Gen. Frederick Middleton leads an attack on Batoche. Louis Riel surrenders a few days later.» Le même fait, sur la carte française, raconte: Batoche en Mai 1885, le major général Frédérick Middleton guerroie contre les Métis qui y ont fondé une nouvelle colonie. Louis Riel est capturé, son bras droit, Gabriel Dumont fuit aux États-Unis.» Bien sûr, les Métis conduisent la défense devant les troupes de Middlton, jugé par l’historien Stacey comme un officier«incapable». 14 Mais devant la rapide déroute des Métis de Dumont, ce sont les Amérindiens sous la direction de Poundmaker et de Big Bear qui affronteront, en bout de course, les troupes de Middleton. Dumont fuiera certes aux États-Unis et fera carrière dans le cirque de Buffalo Bill! Poundmaker et Big Bear resteront emprisonnés un an et réintègreront les «réserves» aménagées par le gouvernement canadien pour «parquer» les Indiens de l’Ouest. Riel polarisera tout le débat canado-québécois et finira pendu, au gibet ou à l’échafaud selon le terme qu’on préfère, jetant la participation amérindienne aux oubliettes de la mémoire collective, entretenant ainsi l’idée de coopération anglo-amérindienne.

L’autre «légende» anglaise spécifie la finale du drame: «Louis Riel is tried for high treason and hanged on Nov. 16, 1885. In 1935, in the midst of the Depression, police and protesters clash in the Regina Riot.» Le texte français donne pour sa part: «Régina – Louis Riel y est pendu le 16 novembre 1885. L’événement soulève la colère du Québec et une méfiance durable. En 1935, la police réprime sauvagement une manifestation de chômeurs.»

La différence entre les deux textes repose essentiellement sur la «colère du Québec», ce que le texte anglais passe sous silence. Le texte anglais présente par contre la «haute trahison» comme la raison de la pendaison de Riel, répondant à cette autre «légende» portant sur Winnipeg et l’exécution de Thomas Scott. Ce dialogue de «légendes» perpétue ce que tout le monde savait déjà à l’époque: la pendaison de Riel était l’accomplissement d’une sombre vengeance, ce qu’on refuse d’affirmer hautement face aux Canadiens français. Comme l’a reconnu explicitement un juré au procès cinquante ans après les événements: «Nous avons jugé Riel pour trahison et il a été pendu pour le meurtre de Scott.»15 Si le Canada anglais refuse de reconnaître aux Canadiens français la mesquinerie de l’exécution de Riel, du moins reconnaît-il l’indignation et la méfiance entraînées au Québec, cela davantage pour la justifier que pour l’expliquer. La répression brutale de l’émeute de 1935 semblerait servir ici de transfert cathartique. C’est-à-dire que le texte anglais ne mentionne qu’un affrontement (clash), sans doute violent, entre forces de l’ordre et manifestants, là où on exécutait pour haute trahison; tandis que le texte français, en passant sous silence ce crime de «haute trahison», déplace sur l’action qui «réprime sauvagement» une simple «manifestation de chômeurs», ce qui était présenté dans le texte anglais comme relevant d’une véritable émeute (riot)! La fonction substitutive de transfert qui s’opère du texte anglais en glissant la culpabilité d’une exécution illégitime sur un comportement policier outrancier dans le texte français, ne repose pas non plus sur un fait banal. Au printemps de 1935, écœurés de l’inertie des gouvernements canadiens pour enrayer le chômage, plus de 800 chômeurs s’embarquent dans des wagons, à Vancouver, en direction d’Ottawa. Tout au long de leur marche, leur nombre ne cesse de s’accroître, ce qui inquiète le Premier Ministre conservateur Bennett. «Le train ne doit pas franchir les limites du Manitoba», lance le mot d’ordre venu d’Ottawa et après une rencontre infructueuse avec les meneurs de la marche, Bennett laisse les agents de la G.R.C. arrêter les meneurs lors d’un rassemblement pacifique tenu le premier juillet à Régina. Les policiers de Régina attaquent la foule avec des battes de baseball sciées, mais elle ne peut contenir l’émeute qui se propage dans tout le centre-ville. Un policier en civil est tué et 39 autres blessés tandis qu’un nombre identique de marcheurs sont sérieusement amochés. La marche est cependant interrompue.16 Finalement, l’exécution de Riel en 1885, et la répression sauvage des chômeurs canadiens, en 1935, laissent sous-entendre implicitement une même chose, l’incapacité des hommes d’État et des gouvernements canadiens (ici, deux Premiers Ministres du Parti Conservateur, Macdonald et Bennett, mais c’aurait tout aussi bien pu être deux Premiers Ministres du Parti Libéral) de répondre aux attentes légitimes de leur population. C’est à Régina que meurent les idéalismes de l’identité canadienne, juste retour des choses. Avec Riel, sur son gibet, c’est l’idéal d’un Canada bilingue et biculturel dans un sentiment natio-nal unique qui se balance au bout d’une corde; avec les chômeurs venus de Vancouver, c’est l’idéal d’un Canada société juste et respectueuse des petites gens qui éclate sous les coups de matraque de la police.

Une légende française indique: «Prince Albert – Point extrême de l’exploration de l’Ouest par La Vérendrye. Ancien Fort La Corne.» La primauté des Français finit toujours par rencontrer son point limite dans l’espace ou dans le temps. L’itinéraire de La Vérendrye est toujours resté problématique, les terres parcourues à l’ouest du Lac Supérieur étant centrées autour des grands lacs manitobains et des sources des longs fleuves américains du Dakota. Des fils de La Vérendrye purent contempler les Montagnes rocheuses, mais de quel endroit en particulier, qui saurait le dire? Plus étrange est cette «légende» située sur la carte française dans le territoire des États-Unis un peu sous la Saskatchewan, vers l’Alberta. Il y est écrit: «Dufferin – Le 8 juillet 1874, 300 agents de la nouvelle North West Mounted Police en partent pour l’Alberta.» Aucun trait indicatif ne relie la légende à un site géographique quelconque. Faisons une recherche. Il s’agit bien de Fort Dufferin, sis au Manitoba. Le 8 juillet 1874, effectivement, sous les ordres du lieutenant-colonel George-Arthur French, une troupe d’officiers – de ce qui deviendra la Gendarmerie Royale du Canada – entreprend une longue marche vers l’Alberta, Fort Edmonton et Fort Whoop Up, centres de trafics d’alcool.17 Cette légende, qu’on ne retrouvera pas sur la carte anglaise, semble avoir pris l’adaptateur français au dépourvu qui a décidé de laisser «flotter» la «Police montée» entre le Manitoba et l’Alberta, quelque part au-dessus des États-Unis. C’est sans doute au cours de ce flottement que les «Habits Rouges» ont recruté le chanteur de comédies musicales américaines Nelson Eddie!
Albert-a
La carte française donne trois légendes à l’Alberta pour quatre sur la carte anglaise. Une première «légende» parle de «Cypress Hill – Sitting Bull et ses guerriers sioux, massacrés par Custer à Little Big Horn, se réfugient au Canada.» Un petit drôle pourra toujours se demander comment des gens massacrés viennent se réfugier au Canada; mais ne soyons pas trop profonds! Plus expansive, la «légende» anglaise correspondante écrit: «Sioux Warriors led by Sitting Bull arrive in the Cypress Hills in 1877, fresh from their thrashing of Lt. Col. George Armstrong Custer and his men at the battle of Little Big Horn: NWMP insp. [l’inspecteur de la North West Mounted Police] James Walsh rides into the Sioux camps and informe them of Canadian Laws.» Le texte français véhicule une grossière erreur (au-delà des massacrés fantômes). Ce sont les guerriers sioux qui ont massacré Custer et non l’inverse, bien sûr. Le terme anglais thrashing qui veut dire «rossée», «raclée», est certes tout aussi ambigu et a dû laisser le traducteur pantois. Il y a bien eu un affrontement entre les Sioux de Sitting Bull et les Américains de Custer à Little Big Horn, mais il faut être l’un des rares sur la planète à ne jamais avoir vu de Western pour ignorer que c’est Custer qui a mangé la raclée à Little Big Horn et non Sitting Bull. De plus, la légende française ne donne aucune date. R. C. MacLeod écrit, pour sa part: «En juin 1876, Sitting Bull avait remporté la victoire sur le général Custer et le 7e régiment de la cavalerie américaine dans la vallée de Little Big Horn. Il passa ensuite la frontière avec 3 000 Sioux et s’installa aux alentours de Fort Walsh dans les Cypress Hills. Il y passa quatre ans.18 D’une situation frontalière et autochtone doublement explosive, l’habileté de Walsh mérite d’être mentionnée. Effectivement, c’est grâce à la diplomatie de James Walsh que les chefs Sioux acceptèrent de «se conformer aux lois canadiennes et de ne pas tenter de raids au sud de la frontière.»19

Deux autres légendes sont partagées sans variation par les deux cartes. «Leduc – Première découverte de gisements de pétrole, par Impérial Oil, en 1947» et «Frank – Le 29 avril 1903, 74 millions de tonnes de roc dévalent le mont Turtle, fermant l’entrée d’une mine et tuant 70 personnes», le texte anglais ajoutant ici qu’une partie de la ville a été également anéantie par l’avalanche.

La carte anglaise porte en plus une «légende» – vraie cette fois-ci – au fort Vermillon: «Bush pilot Wilfrid (Wop) May files on open-cockpit biplane from Edmonton, through snowstorms and over unfamiliar territory, to deliver diphtheria antitoxin in January, 1929.» Ce qui est étrange, c’est que Wop May est aussi un héros de la fameuse chasse au trapeur fou, Albert Johnson, durant l’hiver 1931-1932. May, qui n’attrapa pas le braconnier, fut présenté dans le film de Peter Hunt, «Death Hunt» (sic!) (mettant en vedette Charles Bronson dans le rôle de Johnson et Lee Marvin), comme un aviateur fat et vaniteux que le réalisateur fait s’écraser sur le flanc d’une montagne. Bien sûr, ce n’était que du cinéma!


Cette Colombie que l’on voulait canadienne et qui est demeurée britannique
La carte française consacre huit légendes à la Colombie Britannique, l’anglaise dix. Partons des Monts Cariboo: «La découverte d’un filon en 1882 déclenche une ruée vers l’or.» La carte anglaise donne la date de 1862. C’est elle qui a raison, mais en partie seulement, car c’est le troisième filon que l’on découvre en 1862. Depuis 1859 déjà, la région des Monts Cariboo était reconnue pour sa riche teneur en or.

Une autre légende parle du «Mont Robson – Le plus haut sommet des Rocheuses au Canada, à 3_954 mètres.» En anglais, le même mont Robson a «12,972 feet». Toujours la même résistance au système métrique, ou serait-ce parce que le chiffre est plus gros en pieds qu’en mètres?

Puis à «Craigellachi – Le 7 novembre 1885, Donald Smith y plante le dernier crampon de chemin de fer reliant l’Atlantique au Pacifique», «Linking the country from coast to coast», note le texte anglais.Lien

Plus amusante, cette «légende» anglaise qui dit ceci du site de Mission: «In September, Billy Miner – credited with coining the term “Hands up” – commits Canada’s first train robbery», le «credited» n’étant point mentionné dans le texte français. La carrière de Miner s’est entièrement déroulée aux États-Unis et ce n’est qu’à la fin de celle-ci, quand il était déjà devenu lui-même un bandit d’un type anachronique, qu’il essaya de poursuivre ses exploits au nord du 49e parallèle.

La légende française donne «Victoria – Capitale de la Colombie Britannique. Lieu de naissance de la peintre Emily Carr.» La légende anglaise trouve superflue de signaler Victoria comme capitale, ne retient seulement que la «birthplace of Emily Carr, painter of West Coast Indian totems and rain-forest scenes», ce qui est réducteur devant l’immense talent d’Emily et fait d’elle un de ces peintres dont on retrouve les œuvres dans les marchés aux puces, sur le bord des chemins!

En ce qui concerne Vancouver, nos légendes divergent. La carte française rappelle que le site a été exploré par «Thomas Cook, Manuel Quimper, George Vancouver. En 1970, des militants y fondent Greenpeace.» Ce que la carte anglaise précise dans la seule phrase accordée comme légende au site: «In 1970, three activists found Greenpeace to protest U.S. nuclear tests off the Aleutian Islands.» L’adapteur français, aussi peu versé en explorations maritimes qu’en western, a confondu le grand voyageur James Cook avec l’agent de tourisme, expert en chèque visé, Thomas Cook!

Le capitaine George Vancouver apparaît dans la «légende» anglaise qui concerne Estevan Point: «In 1792, after a spanish force occupies Nootka Sound. English explorer George Vancouver tries to negotiate a settlement with spanish commanders. He fails, but in 1794 Spain and Britain agree to maintain the inlet as a free port.» Le texte français est une traduction du texte anglais et conclut… «le fjord est considéré comme port franc.»

Une autre «légende» concerne Estevan Point: «Bombardé le 20 juin 1942 par un sous-marin japonais. Le seul lieu du Canada touché par l’ennemi lors des deux guerres mondiales.» Le texte anglais, plus élaboré, raconte: «On June 20, 1942, a Japanese submarine shells a wireless station and lighthouse, causing minor damage – the only time during either world war that enemy shells fall on canadian soil.» Dix-sept obus ont effectivement explosé près d’un poste de télégraphie, d’un phare et dans une réserve indienne. Un cargo britannique est torpillé et endommagé près des rives. Estevan Point n’en passe pas moins pour le Pearl Harbour canadien!

Enfin, une ligne en pointillés bleus que l’on retrouve sur les deux cartes n’a droit qu’à sa «légende» anglaise: «In 1792-1793, Alexander Mackenzie leads a 1,200 mile expedition to the Pacific Ocean.» Bella Coola est le point d’arrivé de l’expédition. Mackenzie réussit sur la carte anglaise ce que n’a pu réaliser La Vérendrye sur la carte française. Toujours le même gouffre qui sépare la conscience historique des Canadiens anglais de leurs voisins français; un gouffre fait de silences gênés, d’omissions mesurées, de fiertés détournées et d’inconforts manifestes.
Quand les rats deviennent des aigles
Trois légendes portent sur le Yukon. «The highest mountain in Canada» devient «Mont Logan – Le plus haut sommet du Canada, 5,951 mètres.» La mesure n’est pas donnée sur la carte anglaise. Evaluée en pieds, elle devait donner le vertige au concepteur. Une autre légende dit la même chose dans les deux langues officielles: «Dawson – La découverte d’or en 1896 déclenche la ruée du Klondike, qui attirera 100 000 personnes».

La dernière «légende» reprend une remarque déjà soulevée à propos d’une autre: «Eagle River – Le 17 février 1932, une expédition de la Gendarmerie rejoint et abat le Trappeur fou». La «légende» anglaise dit par contre: «On Feb. 17, 1932, an RCMP posse shoots and kills Albert Johnson, the so-called Mad Trapper of Rat River.» Le «Trappeur dément de la rivière Rat» tient en haleine la police montée dans une chasse à l’homme qui dure sept semaines pour finir, abattu d’une balle dans le dos, dans la rivière de l’Aigle.20

Territoires des neiges et des glaces
Les vastes Territoires du Nord-Ouest sont commentés par quatre légendes sur la carte française et cinq sur l’anglaise. Comme pour la Colombie Britannique, le tracé de l’expédition Mackenzie n’est commenté que sur la carte anglaise: «Seeking the Northwest Passage to the Pacific, explorer Alexander Mackenzie leads a 49 days, 1,200 mile expedition that inadvertently ends at the Arctic Ocean in 1789.» Une autre «légende» du même type se retrouve dans l’Océan Arctique: «In 1940-1942, as skipper of the RCMP schooner St Roch, Henry Larsen is the first to traverse the Northwest passage from west to east.» Pour ne pas laisser les francophones en reste, la «légende» française présente ainsi le même trajet: «Entre 1940 et 1942, le St Roch, une vedette de la Gendarmerie est le premier bateau à jamais avoir réussi le passage arctique d’ouest en est. La région avait été longuement explorée par le capitaine Bernier.» Le capitaine Bernier sert ici de faire-valoir francophone de service. Le capitaine Bernier rêvait d’atteindre le pôle nord et ses recherches se concentrèrent surtout sur la Baie d’Hudson (par ordre de son commanditaire, le gouvernement du Canada) et l’Arctique oriental (1903-1929).21 Le nom de Bernier remplace ici celui de Larsen pour les besoins du texte français. L’expédition du St-Roch avait pour but d’affirmer la souveraineté canadienne dans la zone de l’Arctique. Elle se trouvait également à accomplir cette double traversée maritime entreprise jadis par l’explorateur anglais John Franklin au milieu du XIXe siècle et qui se perdit corps et biens. Mais les cartes de Maclean’s ne disent jamais que des entreprises anglaises peuvent avorter ou échouer également. La Vérendrye et Bernier échouent. Pas Mackenzie ni Larsen. Pour Franklin? Who cares?

Une «légende» parle de «Qitdiarssuaq Shaman (sic!), Inuit qui, dans les années 1860, dirigea une marche de six ans pour aller aider les Inuit du Groënland». Le texte anglais spécifie_: «When his people help save the isolated Polar Eskimos from possible extinction.» C’est beau comme du Victor Hugo!

Autre «légende»: «Chesterfild Inlet – En 1982, le pilote de brousse Clennel Dickins y parcourt 3 800 milles en 12 jours, imposant l’avion comme remplacement du canoë et des traîneaux à chiens.» Le texte anglais, source du texte français, est plus intelligible: «In 1928, bush pilot Clennel (Punch) Dickins flies north from Winnipeg, covering nearly 4,000 miles over 12 days – a journey that would have taken at least 18 months by dog team and canoe.» Le texte est plus intelligible d’abord par la date. On peut véhiculer un tas de préjugés à propos des Territoires du Nord-Ouest comme territoires arriérés au Canada, mais de là à ne leur faire découvrir l’avion qu’en 1982! Pour les Canadiens anglais, Dickins et May sont des as de l’avion de brousse, des héros, pilotes de guerre et d’exploration comme dans ces films où joue Robert Redford. Mais c’est aussi la conquête d’un royaume austère et inhospitalier par des moyens technologiques qui symbolisent le triomphe de la civilisation sur la sauvagerie naturelle.

Dans la Baie d’Hudson, une dernière légende française contient: «Churchill, Centre de commerce de la Baie d’Hudson à partir de 1717.» Le texte anglais précise par contre: «After the Hudson’s Bay Co. establishes a permanent post in 1717, it becomes the centre of the fur trade in the region.» Les deux textes disent-ils virtuellement la même chose? La distinction ne va-t-elle pas un peu plus loin que le simple fait de dire la même chose mais de manière différente? Le lièvre soulevé paraît sans valeur, pourtant, en y regardant bien, on voit tout ce que la compagnie de la Baie d’Hudson a fait pour que Churchill devienne le centre du commerce des fourrures et ce que n’avaient pas réalisé les compagnies françaises. Cela devient même une nécessité causale puisque sans le poste permanent, il n’y aurait pas ce centre de commerce régional. En définitive, à qui le Canada doit-il la vie? Toute la question existentielle et vitale du Canada se trouve livrée ici, dans cette courte «légende» anglaise que la légende française ne dit pas et qui renvoie tout citoyen canadien/canadian, de façon nonchalante, incohérente, insignifiante, à cet imaginaire plat d’«un centre de commerce, sur une baie, à partir d’une certaine date…»

«Fini les folies!1» (P.E.T.)
Cet exercice d’érudition, non dénué d’un certain aspect volontairement pervers et subversif, ne se réduit pas à un simple jeu de dilettantes mélancoliques. Bien que fort amusant et parfois très drôle, il fait rire car il laisse entrevoir des données objectives qui, ramenées à un niveau profondément humain, suscitent des inquiétudes qui font rire un peu pour les mêmes raisons que Musset au Misanthrope de Molière:

Et comme le bon sens fait parler le génie
J’admirais quel amour pour l’âpre vérité

Eut cet homme si fier en sa naïveté,
..............................................................................
Que, lorsqu’on vient d’en rire, on devrait en pleurer!

Nous savions, certes, depuis toujours – et toujours, rappelons-le, c’est depuis la Confédération de 186722 – que l’histoire du Canada se racontait de différentes manières et de bien multiples façons d’un océan à l’autre. Une fois de plus, notre exercice le démontre. Et la chose passerait pour tout à fait normale, comme ces Américains qui, selon qu’ils habitent le Sud, le Centre, l’Ouest ou la côte Est des États-Unis, se racontent différemment l’histoire nationale. Il est sain qu’il y ait de telles variations et la connaissance historique ne peut qu’en bénéficier. Mais au Canada, il ressort visiblement que non seulement il existe différentes façons de se raconter l’histoire nationale, mais que celles-ci sont tellement différentes qu’elles ne possèdent même pas une structure commune! Quelle histoire d’Angleterre passerait sous silence les persécutions réciproques des catholiques et des protestants? Pourtant, notre carte anglaise de l’histoire du Canada ne parle pas de la victoire de Salaberry à Châteauguay en 1813 ou du massacre des Patriotes dans l’église de Saint-Eustache en décembre 1837. Quelle histoire de France ne raconterait pas la prise de la Bastille en 1789 ou les terribles journées de juin 1848? Pourtant, notre carte française de l’histoire du Canada ne parle pas de la grande grève de Winnipeg en 1919, ni de la volonté manifeste de la Nouvelle-Écosse de se retirer de la Confédération en 1868. Bien sûr, on ne peut pas parler de tout dans une petite carte géo-historique du Canada. Mais quand même! Omettre en espérant faire oublier ne peut pas résoudre la présence des contradictions historiques; le mieux est de toujours faire partager à l’ensemble de la population les points de rupture et les controverses. Le travail de toute historicité est justement de résoudre et non de faire coexister les contradictions historiques.

C’est ce qu’avait envisagé la commission Laurendeau-Dunton sur le bilinguisme et le biculturalisme au milieu des années 1960. Marcel Trudel et Geneviève Jain, deux historiens qui avaient mené une enquête sur les manuels d’histoire d’un océan à l’autre, dénonçaient le fait de «se retrouver en présence d’une histoire qui soit celle de deux pays différents», ce qui entretenait une histoire au service de chaque groupe ethnique. À la place, ils proposaient, afin de faire partager aux deux peuples fondateurs «leur commune aventure en terre d’Amérique, de construire un manuel rédigé par une équipe d’historiens anglais et français.23 Le manuel a bien vu le jour»24, mais il ne fut pas adopté par les écoles du Québec, et sa volonté de niveler ou d’omettre les points litigieux de l’histoire canadienne en a fait un manuel fade, rassemblant la somme des expériences vécues au Canada sans pour autant fondre le matériel en une synthèse organisée pour tous les Canadiens. Les rapports de l’enquête furent placés sur les tablettes et les exemplaires du manuel expédiés au pilonnage. Le résultat est que rien n’a bougé et les deux cartes publiées par le Maclean’s sont là pour nous le rappeler.

Rien n’a bougé parce que rien ne peut plus bouger dans deux consciences historiques constituées comme le sont celles des Canadiens français et des Canadiens anglais. Le premier groupe ne se reconnaît d’ailleurs plus dans ce terme désuet de «Canadien français» et s’identifie comme «Québécois». Il est normal donc que les représentations sociales des deux groupes soient à ce point distinctes. Les expériences historiques que les deux groupes ont vécues étaient déjà différentes en elles-mêmes. En conséquence, un simple débat d’interprétations – pas plus d’ailleurs qu’une quelconque solution constitutionnelle – ne saurait venir à bout de cette contradiction historique de deux destins singuliers dans un même corps géo-politique. Car il s’agit bien de cela: deux identités, deux fonctions de reconnaissance et de rassemblement complètement opposées qui ne peuvent se structurer en un seul ordre, finissent par en structurer deux, utilisant parfois les mêmes «images» historiques, parfois avec des modifications dans le récit ou l’interprétation suggérée à ces mêmes images, parfois avec des images distinctes d’un ordre à l’autre. Deux imaginaires historiques différents, ce sont deux mémoires irréductibles l’une à l’autre, c’est donc deux historicités que structurent des liaisons causales diverses de deux histoires.

One ways
Mais puisqu’il s’agit bien de deux imaginaires historiques diversement structurés, il ne peut qu’en résulter deux sens divergents de relations affectives des Canadiens envers leur passé. Deux sens tellement divergents qu’ils vont a contrario l’un de l’autre; là où on crée la fierté pour soi, on suscite du mépris pour l’autre; là où on flatte l’autre, on entretient du dépit envers soi. Les Français d’Amérique sont des avortons pour l’historicité canadienne-anglaise. Ils sont incapables de mener jusqu’au bout leurs entreprises. Ce sont des fondateurs, mais ils ne font rien de décisif. Ce sont de doux rêveurs qui n’ont aucun sens des réalités pratiques, à tel point que, selon la carte anglaise, ils laissent pénétrer les sous-marins nazis jusque dans le fleuve Saint-Laurent; ils ne parviennent pas à contenir l’intrusion ni à empêcher la diffusion de l’épidémie de choléra en 1832; ils ne peuvent enrayer les guerres iroquoises, ni résister à celles-ci; ils sont incapables de résister à l’invasion américaine, sans l’aide évidente de l’esprit d’entreprise et du sens de l’action propre aux Britanniques. Comme on peut le deviner, soudoyer un Indien renégat et l’amener à assasssiner traîtreusement Pontiac à Détroit, ou profiter d’un hiver rigoureux pour tenir Québec assiégé par les troupes américaines en attendant les débâcles fluviales du printemps, permettant ainsi l’arrivée de renforts venus d’Angleterre, cela relève de l’esprit d’entreprise et du sens de l’action. De cet esprit et de ce sens qui font tant défaut aux Français d’Amérique. Bref, selon la carte anglaise, si persistent encore des résidus de racisme chauvin anglo-saxon (comme dans le traitement de l’affaire Riel), le préjugé négatif se situe essentiellement dans le fait que l’on considère les Canadiens de langue française comme dépourvus de cette trempe audacieuse qui fait d’un Graham Bell l’inventeur du téléphone (à Brantford) et le promoteur du plus lourd que l’air sur lequel s’envole McCurdy (à Baddeck). Au mieux, est-on prêt à concéder que les inventeurs francophones, tel J.-A. Bombardier, fabriquent de merveilleux petits jouets!

Les Anglais d’Amérique, ces héritiers de l’ancien Empire britannique d’Amérique du Nord, sont, pour l’historicité canadienne-française, des éternels seconds. Seconds au Canada après Cartier; seconds à Port-Royal après Champlain; seconds à Kingston – Macdonald après Frontenac -; seconds à Midland après les Jésuites; seconds au Lac Supérieur après Brûlé; seconds, encore après Champlain, à Toronto; seconds au Manitoba et en Saskatchewan après les La Vérendrye; se-conds dans l’Océan Arctique après le capitaine Bernier. Les Anglais au Canada? D’éternels seconds! Les Français sont des explorateurs, des découvreurs, des fondateurs. Ce discours, qui était celui de Lionel Groulx et de ses disciples, doit-on s’étonner de le retrouver dans l’imaginaire historique véhiculé par la carte française du Maclean’s? L’énumération entend répondre à la qualité par la quantité. Cet héritage devient lourd à porter car rien de ce qui a été exploré, découvert, fondé n’est resté la propriété exclusive de ceux qui avaient, les premiers, fait l’effort de le maîtriser. Le sentiment de dépossession, de frustration, d’usurpation – comme ce «Grand Dérangement» que fut la déportation des Acadiens de 1755 et la redistribution de leurs «riches terres » aux immigrants anglais et, après 1775, aux Loyalistes orangistes fuyant la révolution américaine, demeure le préjugé entretenu contre les Canadiens de langue anglaise. Du reste, la force et le nombre de ces «usurpateurs» retournent ce sentiment de dépossession contre soi et le transforment en véritable complexe d’échec. Les pulsions motrices des Canadiens français ne seront donc pas, comme chez le partenaire anglais, un narcissisme chauvin, conquérant et affirmatif, mais un narcissisme régressif, velléitaire et pessimiste. On ne peut expliquer autrement ce mouvement de rétrécissement moral et géographique des Québécois au lendemain de l’échec des Rébellions de 1837-1838, son misérabilisme infantile sous la chaude soutane de ses curés et de ses penseurs ultramontains, ce faux désintéressement volontaire des choses matérielles de ce monde. Ce narcissisme régressif explique mieux, en tout cas, ce «mécontentement et la méfiance» des Québécois que la frustration consécutive à l’exécution de Riel. Bien sûr, l’exécution de Riel a entraîné le mécontentement national des Québécois. L’alliance des libéraux et de l’aile nationaliste des conservateurs dans l’élection du Parti National d’Honoré Mercier est une conséquence directe de l’affaire Riel, mais ce n’est qu’un roulis agité sur l’onde des flots tumultueux. Cette fierté est flatteuse. Un certain manque de sincérité s’en dégage malgré la liste des primautés… À force d’être dits premiers, les Canadiens français en viennent à se demander si, comme les élus de l’Évangile, les premiers ne sont pas devenus, au Canada, les derniers?

Narcissisme chauvin anglais d’une part, narcissisme régressif français d’autre part, l’absence d’une quelconque réconci-liation animée par des pulsions érotiques est aussi manifeste dans les cartes du Maclean’s que dans le manuel pro-Canada publié par Cornell, Hamelin, Ouellet et Trudel dans la foulée des recommandations de la Commission bi-bi. L’apprentissage de la connaissance historique pourrait difficilement structurer ici ou consolider une solidarité nationale unique et monolithique. Comment cela pourrait-il se faire avec deux motivations inconscientes collectives fixées chacune à des degrés différents de narcissisme infantile? Du moins peut-on reconnaître que les pulsions de mort, déstructurantes des désirs, les manifestations de haine ou d’angoisse ne paraissent pas ouvertement. Les omissions, les informations incomplètes, voire les «erreurs», qui pourraient être autant de mensonges si nous y cherchions quelque complot paranoïaque, laissent planer à peine quelques soupçons.

Une chose émerge cependant. Le narcissisme chauvin porte la haine de l’autre et la surestimation de soi, le narcissisme régressif porte la haine de soi et la sous-estimation de l’autre. Le premier demeure un infantilisme, où toutes les relations d’objets sont ramenées au Moi et ingérées, le second est aussi un infantilisme mais il cherche à ignorer les objets qu’il convoite en se vantant de s’en désintéresser. Le narcissisme chauvin se nourrit de l’évangéliste-showman Grenfell et de son hôpital missionnaire au Labrador (petit Dr Schweitzer), de «John» (qui ne s’appelait pas John mais Douglas McCurdy) et de son plus lourd que l’air (petits frères Wright), de Joshua Slocum naviguant en solitaire dans son petit voilier (petit Francis Chichester), les Sir Isaac Brock, Laura Secord et Tecumseh valant bien les Dollard des Ormeaux, Madeleine de Verchères et Garakonthié de leurs cousins francophones, et combien encore de Terry Fox, de Hirshhorn et Joubin, d’inspecteur Walsh, de «Wop» May et de «Punch» Dickins comme autant de répliques miniatures de grands noms de la légende américaine? Car la déréalisation du narcissisme chauvin réside bien dans cette recherche de «héros de légendes» à notre taille mais que l’on voudrait à la hauteur des héros que l’on envie. Il s’agit moins d’un délire de jalousie que d’une certaine névrose collective où le Moi idéal rencontre, dans un combat décevant, l’Idéal du Moi. Certes, Walsh réussit pacifiquement ce que Custer a échoué militairement; Vancouver parvient bien à s’entendre avec les Espagnols à Nootka Sound après une première défaite offensive; Mackenzie et Larsen se rendent bien au bout de leurs pérégrinations là où d’autres Franklin, La Vérendrye et Hearne avaient échoué. Mais tout ce qu’un certain discours idéologique dissimule sous l’ostentation de bons sentiments et de pacifisme, n’est-ce pas pour ne point reconnaître une certaine frustration qu’on érige en fierté? Si Middleton avait été massacré dans une embuscade par Poundmaker et Big Bear, quel Custer n’aurait-il pas été? Son caractère médiocre l’aurait fait ressembler encore plus au général américain! Et si McCurdy avait traversé l’Atlantique au lieu de survoler l’Île du Cap Breton? Même si Vancouver avait été bombardé massivement comme Pearl Harbour – après tout, ne se souvient-on pas de Halifax pour l’explosion du Mont Blanc? – plutôt que des obus insignifiants tirés autour du phare d’Estevan Point, les Canadiens n’auraient-ils pas alors une histoire à la grandeur de celle des Américains? On peut toujours manifester de la fierté pour Walsh, Vancouver ou Greenpeace, mais qui aujourd’hui se souvient de Walsh, alors qu’on tourne des films sur Custer? Et Vancouver, qui a navigué avec Cook, peut-on s’en souvenir autant que de ce commodore Perry qui se fit ouvrir le port d’Edo, au Japon, en faisant défiler ses canonnières en signe d’intimidation en 1853, alors que les Espagnols de Nootka Sound lui tiennent tête et le forcent à un gentlemen’s agreement? Et Greenpeace? En dehors des cercles écologiques, qui ne considère pas les membres de Greenpeace comme des emmerdeurs internationaux? Greenpeace, ce n’est quand même pas Henri Dunant fondant la Croix-Rouge ou William Booth fondant l’Armée du Salut! Mais ne nous méprenons pas. Cette grandeur idéologique est petite non à cause des gestes historiques en soi, mais à cause des motivations symboliques inconscientes qui cultivent, du Dr Grenfell à «Wop» May et à «Punch» Dickins, cette petite vanité d’enfants jaloux qui demeurent des rejetons non complètement émancipés de l’Empire victorien et qui ne se consolent pas de ne pas voir réalisée la promesse de Wilfrid Laurier au Canada: devenir le pays du XXe siècle! N’oublions jamais que le vrai nom du Canada est «Dominion » ou «Puissance du Canada», noms que l’on dut substituer à celui de «Royaume» préféré par Sir John A. Macdonald, mais qu’on écarta pour ne pas blesser la susceptibilité des voisins du Sud.25
Il est navrant de constater que la surestimation de soi mène irrémédiablement à ne pas voir ses propres originalités. À se mesurer à des modèles idéalisés de ses voisins, on en vient à ignorer ses propres possibilités intérieures. Comme la petite vanité sabote les héroïsmes les plus purs, la générosité est détournée par l’orgueil jamais rassasié de flatteries. C’est par cette sombre affection menteuse que le narcissisme chauvin se rapproche le plus du narcissisme régressif. La flatterie utilisée par le discours du Canada anglais envers le Canada français n’est pas une flatterie feinte, et c’est là que les analystes québécois se trompent grossièrement. Le Canada anglais cherche à flatter le Canada français parce qu’il fonctionne ainsi avec lui-même, et c’est avec les «légendes»26 qu’il nous présente de nous tous comme autant de vieilles photos de familles de pères et d’oncles qui ont fait la guerre, qu’il pense nous rallier à sa façon de voir.

Mais le narcissisme régressif est encore plus pervers, car si le narcissisme chauvin prétend accéder à la maturité en imitant un idéal du Moi inatteignable, il peut trouver sa propre voie à travers des épreuves qui le forcent, malgré lui, à se dépasser et, enfin, à accéder à son identité propre. Ce n’est pas exactement cela qui arrive au narcissisme régressif: il reporte sur soi la haine qu’il ne peut étaler face aux autres; c’est l’appellation de «complexe d’échec» qui qualifie ce sentiment; il investit et enrichit de haine le Moi méprisé. Il sait que les compliments prodigués à son égard sont infectés des flatteries les plus insidieuses, que le dédain dont il se sent victime lui est justifié par ses propres lâchetés, que son complexe d’échec, issu d’un complexe de colonisé, le livre pieds et poings liés à toutes les bévues et les faillites possibles dans les contingences historiques qui se présentent. Alors il s’engage dans de grands gestes qui réussiront à moitié, ou pas du tout. Il cherchera partout les traces de son intervention éphémère, se satisfaisant d’un bref «là il était le premier», afin de bien «se rappeler» que là il n’y est plus du tout, sinon, au mieux, le dernier: là où le sacrifice de Brock et de Tecumseh conduit à l’invention du téléphone par Bell, ici les explorations de Champlain et la fondation de Maisonneuve permettent à peine seulement à Joseph-Armand Bombardier d’inventer l’autoneige et la motoneige! Là où la souris accouche d’un éléphant, ici, c’est l’éléphant qui accouche d’une souris! Là où la structuration érotique est outrancière, ici la structuration érotique se rétrécit comme une peau de chagrin jusqu’à se laisser dominer par les pulsions de mort par les voies les plus incestueuses et de manière des plus masochistes (inceste et masochisme insufflés dans l’inconscient collectif québécois par le catholicisme romain de l’Eglise ultramontaine des Lartigues, Bourget et Laflèche aux lendemains des défaites de 1837-1838 et de la Confédération de 1867), et plus rarement sadique (phase que nous n’avons pas encore atteinte si on se fie à la lâcheté infantile avec laquelle les Québécois se sont laissés manipuler conjointement par le lobby amérindien, les émissaires fédéraux et les représentants de la bonne conscience internationale en matière des Droits de l’Homme lors de la crise d’Oka de l’été 1990). Cela aussi est un point commun de la signification de l’histoire canadienne partagée par les deux historicités (mais dans une ordonnance significative toute différente), les mains canadiennes sont pures de sang. Le sang ne coule pas au Canada. Les Hurons sont victimes d’un «génocide» amérindo-amérindien (ce qui évoque cet historien-racoleur, Raynald Sécher, qui parle de génocide franco-français à propos des guerres de Vendée durant la Révolution française); les vaisseaux coulés dans le golfe (ou dans le fleuve) Saint-Laurent l’ont été par des sous-marins allemands; Halifax est sinistrée par l’explosion d’un navire de munitions français; les Patriotes de Saint-Denis sont conduits par le châtelain de Montebello tandis que les rebelles du Haut-Canada ne font qu’arpenter la rue Yonge de Toronto; si Frank, en Alberta, est détruite, c’est à cause de l’effondrement du flanc d’une montagne et Estevan Point est bombardé par les Japonais. Du sang? Il y a bien celui de la révolte Métis, de la bataille de Batoche, de l’exécution de Scott et celle de Riel. Bien sûr, il y a la répression de l’émeute de Régina en 1935 ou la mort du trappeur fou à Eagle Rock, mais le second n’était-il pas un «dément» (comme on disait que Riel était un fou paranoïaque et mégalomane) et la première n’était-elle pas la surchauffe d’un affrontement exceptionnel due à un temps de dépression économique extraordinaire (et, après tout, la seule victime de l’émeute de Régina -n’était-elle pas un policier en civil?). Non, du sang, il n’y en a pas, et il ne doit pas y en avoir dans l’histoire canadienne. Le chauvin ne pourrait supporter de voir couler le sang qui emporterait sa fausse générosité et le régressif ne pourrait supporter de voir celui qui le purgerait de sa fausse innocence.

Car l’innocence est aussi fausse chez le narcissiste régressif que la générosité peut l’être chez le chauvin. C’est par l’innocence que se fixe le désir incestueux. Qu’est-ce que rappeler constamment la primauté sinon obséder la mémoire de ce moment fatal et temporel où le «ce-qui-n’était-pas» est «advenu». Chaque primauté canadienne-française rappelle cette nostalgie de la naissance, du moment où l’on quitte un ordre harmonieux du monde pour se précipiter dans le chaos d’une histoire pleine de déplaisir et de frustrations. Nos mains ne sont pas trempées dans le sang parce que nous n’étions pas encore là… et, à regarder évoluer le Québec, on n’y sera jamais. L’immaturité nous gratifie peut-être de ne pas avoir les mains barbouillées de sang, mais elle nous prive aussi de toute semence, de toute maturité organique et collective.

L’examen d’histoire
Fusion érotique et fission thanatique, solidarité et déstructuration; unité canadienne et séparatisme québécois… Un Québec fort dans un Canada uni? L’absence de reconnaissance associative entraîne l’éloignement des morales de l’histoire. Les leçons iront donc en se multipliant là où elles auraient dû se retrouver en nombre restreint. La fission mortifère naît non pas du seul narcissisme régressif mais plutôt de la confrontation entre les deux narcissismes. Il n’y a pas une carte qui véhicule une fusion érotique (celle de l’unité canadienne, par exemple) et une autre qui véhicule une fission thanatique (celle du séparatisme québécois), par conséquent la solidarité se voit confirmée en deux blocs distincts de conscience historique en autant de cartes que nous possédons. Quant aux discours d’unité canadienne et de séparatisme québécois, ce ne sont que des idéologies justificatives greffées par des volontés politiques en réaction à cette confrontation de solidarités impossibles. Le rapport entre ces idéologies et les consciences historiques ne peut être qu’une bouture artificielle, incapable de susciter une mobilisation quelconque de la population canadienne entière autour d’un but national unique et partagé.

Prenons donc le problème de l’idéologique à partir de la moralisation même de l’histoire selon les cartes anglaise et française. Les titres des deux cartes, nous l’avons vu, définissent assez bien l’ordre des deux imaginaires. L’une est une suite de légendes conforme à un type de déréalisation satisfaisant un narcissisme chauvin (l’hôpital de Grenfell, le vol de McCurdy, la navigation de Slocum, l’héroïsme des Brock, Secord et Tecumseh, la diplomatie de Walsh, la politesse de Miner, les exploits de May et de Dickins, etc.), l’autre est une suite épique conforme à un autre type de déréalisation, satisfaisant cette fois un narcissisme régressif (premier à Gaspé avec Cartier, à Port-Royal et à Toronto avec Champlain, à Kingston avec Frontenac, à Midland avec les Jésuites, au Lac Supéreur avec Brûlé, dans l’Océan Arctique avec le capitaine Bernier, dans les Prairies avec La Vérendrye, etc.) Deux logiques et deux sens de l’histoire ne peuvent déboucher que sur deux morales distinctes dont les discours politiques et les idéologies ne rendront pas nécessairement compte. Et pour cause, puisqu’elles luttent à rebours de motivations qui activent les deux consciences historiques.

La question qu’il faut poser doit partir des historicités mêmes: Pourquoi des «légendes» ici, pourquoi une «épopée» là? Parce que les «légendes» de la carte anglaise sont bien, à la fois, des légendes cartographiques et des «légendes» héroïques. Cet homme est une «légende»: Joshua Slocum ou Wilfrid Grenfell, «John» (qui s’appelait Douglas) McCurdy ou John A. Macdonald, Terry Fox ou Graham Bell, Henry Larsen, Albert Johnson, Billy Miner et ses Hands-up, ou le lieutenant Walsh, Mackenzie ou les aviateurs de brousse May et Dickins, etc. Chaque «légende» est complète en elle-même; ce sont des déréalités légendaires qui hantent la conscience historique canadienne-anglaise. Le Canada serait-il alors lui-même une légende? Non, bien sûr, mais une terre de «légendes», ça oui! Mais attention, ça ne veut pas dire que l’individualisme exclut tout rapport à un sentiment collectif quelconque. Il ne faut pas oublier que les Canadiens anglais de l’Ouest sont aussi socia-listes qu’ils peuvent être conservateurs. Héritiers des anciens Fabians, socialistes comme leurs proches parents britanniques ou australiens, le socialisme est pour eux un corollaire naturel ou logique des libertés individuelles. Il est ce qui combat pour que chaque Canadien devienne une «légende» canadienne. Rien n’est plus remarquable de cet esprit que l’histoire des grandes femmes canadiennes. De la nurse Mary Adelaïde Nutting, née à Waterloo dans l’Estrie et organisatrice du service de nursing américain pendant la Première Guerre mon-diale à Emma “Albany” Lajeunesse, cantatrice d’opéra qui fut beaucoup appréciée par la reine Victoria; d’Emily Murphy, pionnière du suffrage féminin en Alberta à sa vis-à-vis québécoise Thérèse Casgrain, l’action sociale doit mener à ce que chaque femme puisse se réaliser en tant qu’individu propre et autonome, et non en fonction d’une quelconque Weiblichgeist; non comme mission universelle dévolue au genre féminin, mais plutôt en tant que charte des droits et libertés de la personne. Pour cette raison, il est difficile pour un Canadien anglais de comprendre pourquoi son voisin francophone ne peut se satisfaire des seuls droits individuels. Cette évaluation des choses est la seule à pouvoir rendre compte de cet aboutissement représentatif de son destin qu’est ce «légendaire canadien» qui sommeille en lui et ne demande qu’à devenir historique!

Mais voilà, son voisin français est «baroque», il ne se satisfait pas d’un «légendaire» si héroïque soit-il. Sa mission est pensée collective parce que son expérience vécue est perçue et organisée comme épique. Premier partout, en Acadie, sur les bancs de Terre-Neuve, à Québec, à Montréal, à Kingston, à Toronto, au Lac Supérieur, en Saskatchewan, voire dans certaines zones de l’Arctique, les motifs qui le poussent à agir, aussi obsessionnels et régressifs soient-ils, ramènent toujours le Canadien français à sa «mission» collective. Cette mission déréalise autant son vécu historique que les figures et les faits légendaires déréalisaient son voisin anglais. Mais son entreprise individuelle n’a plus de sens si les siens n’y sont pas associés. Cartier découvre pour le Roi et le Royaume de France; Champlain explore pour la commission de Monts; Maisonneuve fonde Montréal pour l’ordre des Sulpiciens; les Jésuites s’établissent parmi les Hurons pour l’Eglise du Christ; Frontenac guerroie pour son roi, Louis XIV (dont il partage le prénom), et Montcalm meurt pour le sien, Louis XV; La Vérendrye parcourt l’Ouest avec les siens et Riel vient y rencontrer son sort pour les Sang-Mêlés des prairies qui lui tiennent à cœur. Et si tous échouent ou succombent, c’est qu’ils auront été préalablement trahis et abandonnés par les leurs ou entravés par des forces soit envieuses, soit jalouses, ou par l’incurie des puissants de ce monde, juste contre-partie de la mission collective: le Roi abandonne Cartier à des entrepreneurs douteux; Champlain perd une première fois Québec aux Anglais (1629-1632); Maisonneuve meurt dans la pauvreté et dans l’oubli à Paris; les Jésuites sont martyrisés et tués; Frontenac est rappelé; Montcalm perd une seconde fois Québec, et perd aussi sa vie (1759); La Salle et La Vérendrye sont victimes des forces conjointes des rivalités commerciales et des intrigues coloniales; enfin Riel est doublé par Macdonald et abandonné lâchement par l’épiscopat canadien, tant à l’Ouest (Mgr Taché) qu’au Québec (Mgr Bourget), et cela au mépris de toute dignité des revendications humaines, «abjectivé» à la fois aux yeux des siens, du gouvernement et de ses ennemis, les Orangistes d’Ontario, en le faisant passer pour fou, un maudit fou dont il faudrait avoir pitié et pour lequel on réclame la clémence, par mansuétude et miséricorde!

Ce sentiment du tragique canadien-français ne doit pas nous illusionner. Il faut dépasser cette vieille présomption cléricale (religieuse ou laïque) de la mission dévolue aux Canadiens français pour accéder à l’essentiel de «l’épopée» et que nous appelions tantôt «baroque». Soyons bref, et retenons ces deux caractéristiques réunies de la définition du mot «baroque»: mouvement et mélancolie, laquelle rencontre semble devoir déboucher sur un état psychologique où l’on porte une «attention insidieuse et ambiguë aux mouvements contradictoires de l’âme.» Tel est le narcissisme régressif; il s’enrobe de formes politiques et idéologiques révélant l’instabilité, la perte des certitudes, voire les glissements d’identité.

Canadiens? Canadiens français? Nord-Américains parlant français? Québécois? Les identités se multiplient parce que la collectivité est instable, son imaginaire dérape sous ses pas. Les identités bougent comme les sens sont instables et les valeurs fluctuantes selon les divers vécus historiques. Même dans l’expédition Mackenzie – ce que la carte anglaise ne dit pas et que même la carte française ignore! – l’explorateur écossais est guidé par des francophones_: Barrieau, Doucette, Landry, Delorme et Leroux vers l’Océan Arctique (1789); Doucette et Landry encore, Beaulieu, Bisson, Courtois et Duchamp vers l’Océan Pacifique (1792-1793). Même l’expédition Lewis et Clark (1805-1807), commandée aux États-Unis par le président Jefferson, est guidée par une suite d’éclaireurs tous francophones: Drouillard, Labiche, Rivet, Déchamps, Tabeau, Gravelines, Jussaume, Lepage et les plus importants de tous, Toussaint Charbonneau et son épouse amérindienne Sacagawea.27 Ils sont les premiers partout, mais ils ne font que passer, que laisser des traces, des plaques, des «fleurs de lys»; ils ne s’établissent définitivement nulle part et quand ils le font, ils se font vite assimiler par le milieu humain, soit avec les Amérindiens (les Métis), soit avec la population anglaise (les hommes d’affaires et les hommes politiques). Dès qu’il s’arrête, la nostalgie reprend le Canadien français et s’il se remet en mouvement, l’insatisfaction d’être arrivé nulle part le replonge dans la mélancolie.
Je tiens à le rappeler, cette mélancolie n’est pas un fardeau tragique légué par une quelconque divinité. Ce mal, le Français d’Amérique peut – et non seulement il peut, mais il doit – le dominer. Se satisfaire d’une situation ambiguë entre le moment où les amarres sont rompues avec le quai d’embarquement et celui où la passerelle n’a pas encore été retirée du point d’ancrage, ce n’est pas naviguer pour autant. C’est peut-être errer. Le Canadien français est bien mené par ce «Grand Dieu des Routes» dont parlait Germaine Guèvremont, ce Survenant figé entre la fuite et l’attente, nomade et mélanco-lique. Ça, les Canadiens anglais semblent l’avoir mieux perçu que les Canadiens français eux-mêmes. Après les avoir utilisés pour l’ouverture du continent, ils les ont assimilés ou laissés se ratatiner dans une vision canadienne rétrécie aux frontières du Québec. Tout cela s’est décidé entre le gibet de Riel (1885) et l’odieuse loi des Écoles du Manitoba (1890) visant à inver-ser le processus de peuplement qui faisait de cette province un Québec de l’Ouest. L’accord Laurier-Greenway de 1896 se posa comme la caution attendue du Gouvernement fédéral. Désormais, le mouvement concentrique irait en se rétrécissant vers l’intérieur des limites de l’Outaouais, de la Baie d’Hudson et du golfe Saint-Laurent. C’est de ce rapetissement misérabiliste d’un baroque décroissant 28 que témoigne encore la carte française du Maclean’s.

Une telle carte faite par un indépendantiste québécois serait sans doute bien différente. Et peut-être le serait-elle moins qu’on le pense? Les cartes du Maclean’s sont canadiennes, de la langue des «deux peuples fondateurs» (plus quelques flatteries pour les Autochtones), et c’est ainsi que nous devons les prendre. Extrapoler serait donc ici dangereux. Nous devons considérer ces cartes comme véhiculant une idéologie fédéraliste, une utopie canadienne unie sous un seul gouvernement national. Une double praxis pédagogique visant à satisfaire tout un chacun semble être encore l’instrument privilégié pour aboutir aux résultats voulus. Mais entre une historicité du légendaire et une autre de l’épique, entre un narcissisme chauvin et un autre régressif, entre un individualisme coopératif à teinte nationale-libérale et un esprit baroque instable et communautaire à teinte nationale-missionnaire, nous voilà perdus corps et biens entre les résidus du protestantisme anglican et du catholicisme romain, combattant entre le salut de la collectivité par l’individu et le salut de l’individu par la collectivité, écartelés entre les droits individuels et les droits collectifs, angoissés par la voracité américaine et la fatalité de disparaître… Collectivité consolidée par l’écriture (celle des journaux et des télécommunications électroniques) et peuple monolithique cimenté par la parole, autant de contradictions devant lesquelles les discours politiques, de quelque tendance qu’ils soient, sont loin, actuellement, de faire le poids.

Deux logiques de l’histoire séparées par un gouffre; deux sens de l’histoire mûs dans des directions opposées; deux morales de l’histoire qui donnent comme leçon que le Canada se réalise dans et par chaque Canadien, ou alors, par la consolidation et l’extension de la vocation missionnaire du peuple canadien mené par les francophones, voilà jusqu’à quel point les deux communautés voisines sont aussi irréductibles l’une à l’autre, qu’elles sont fusionnables en une seule «obscure certitude» d’une même fonction d’historicité!

…Et voilà pourquoi, monsieur, votre fille n’est pas Canadienne!⌛

7 juillet 1992

1. Version revue et corrigée d’un texte paru dans Ruptures, #1, janvier-mars 1993, pp. 87 à 128. L’auteur tient à remercier l’éditeur, M. Jean-Pierre Pelletier pour les corrections et commentaires apportés au texte lors de sa publication.
1. R. Aron, Dimensions de la conscience historique, Paris, Plan, 2964, p._95.
2. C. Morazé, La logique de l’histoire, Paris, Gallimard, 1967, p. 59.
3. C. F. Poole, «Un apôtre chez les pêcheurs», in Horizon Canada, vol. 3, # 29, 1985, pp. 680-685.
4. S. T. Spice, «Seul Maître à bord», in Horizon Canada, vol. 2, # 19, 1985, p. 450. Spicer rappelle que Slocum était fier de ses origines néo-écossaises, mais le fait qu’il se soit fait naturaliser Américain et qu’il ait passé sa carrière aux États-Unis laisse présager qu’il n’avait pas un sentiment aussi vif pour le Canada.
5. J. Bl Lamb, «Le génie de Baddeck», in Horizon Canada, vol. 1, # 1, 1984, pp. 8-12.
6. Il s’agit de l’ex-Premier Ministre du Canada, Brian Mulroney, en poste en juillet 1992.
7. H. Weinemann, Du Canada au Québec, Généalogie d’une histoire, Montréal, L’Hexagone, 1987.
8. B. G. Trigger, Les Indiens, la fourrure et les blancs, Montréal, Boréal/Seuil, 1990, pp. 359 et suiv.
9. Anachronisme manifeste: la reine Victoria établit Ottawa capitale du Canada le 31 décembre 1857, bien avant que le projet de Confédération germe dans le cerveau de Macdonald et Cartier.
10. Curieusement, le manuel pro-Canada issu des recommandations de la Commission sur le bilinguisme et le biculturalisme, Canada unité et diversité, ne mentionne pas non plus l’exécution des prisonniers politiques jugés lors des deux Rébellions canadiennes. Peut-on penser que l’État canadien réussit là où Lady Macbeth a été menée à la folie?
11. C. Curtis, «Les mines de l’ère atomique», in Horizon Canada, vol. 2, # 23, 1985, pp. 542 à 547.
12. G. F. G. Stanley, Louis Riel, Ottawa, Société historique du Canada, Col. Brochure historique # 2, 1956, p. 11.
13. Cité in G. F. G. Stanley, ibid, p. 10.
14. G. F. G. Stanley, ibid, p. 20.
15. Cité in G. F. G. Stanley, ibid, p. 23.
16. D. Smith, «La Marche sur Ottawa», in Horizon Canada, vol. 9, # 99, 1985, pp. 2353-2359.
17 R. C. MacLeod, La police à cheval du Nord-Ouest: 1873-1919, Ottawa, Société historique du Canada, Col. Brochure historique # 31, 1979, et W. Beahren,«Les habits rouges de l’Ouest», in Horizon Canada, vol. 1, # 2, 1984, pp. 38-40.
18. R. C. MacLeod, ibid, p. 8.
19. W. Beahen, op. cit., p. 40.
20. R. S. Coates, «Après la ruée», in Horizon Canada, vol. 9, # 97, 1987, p. 2308.
21. W. Morrison, «Droits acquis sur l’Arctique», in Horizon Canada, vol. 7, # 75, 1986, pp. 1779-1781.
22. G. Laloux-Jain, Les manuels d’histoire du Canada au Québec et en Ontario (de 1867 à 1914), Québec, P.U.L., Col. Histoire et Sociologie de la culture, # 6, 1973, 250 p.
23. M. Trudel et G. Jain, L’Histoire du Canada: Enquête sur les manuels, Ottawa, Imprimerie de la Reine, Études # 5 de la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, pp. 127-128.
24. Cornell, Hamelin, Ouellet, Trudel, Canada Unité et diversité, s.v., Holt, Rinehart & Winston Limitée, 1968.
25. P.-E. Farley et G. Lamarche, Histoire du Canada, Montréal, Librairie des Clercs de St-Viateur, 1945, pp. 381-382.
26. Et la dernière en date de ces «légendes» n’est-elle pas ce rassemblement-monstre de Canadiens de toutes les provinces venus à Montréal, quelques jours avant la tenue du référendum indépendantiste en octobre 1995, pour célébrer le Canada bien plutôt que de «dire aux Québécois qu’ils les aiment et leurs demander de ne pas briser un si beau pays»… La panique fut pour quelque chose dans ce mouvement «spontané»… et la réduction du prix des billets d’avion aussi! (Jan. 96)
27. G. Lanctôt (éd.), Les Canadiens Français et leurs voisins du Sud, Montréal, Bernard Valiquette, 1941, pp. 165 à 172.
28. Le seul auteur, à ma connaissance, à avoir entrevu la dimension baroque des Canadiens français est Pierre Trottier dans Mon Babel, s.v., H.M.H. Col. Constantes, # 5, 1963, ch. VIII: «Baroque?», p. 79 à 88.


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